samedi 12 mars 2011

POLINA de Bastien Vivès: Pygmalion réinventé

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La bande dessinée Polina est sortie des presses Pollina au mois de février. A une lettre près, l'héroïne de Bastien Vivès porte le même nom que l'imprimeur qui la fixa sur le papier. Cette observation resterait anecdotique si les lignes dynamiques et les larges aplats noirs de l'auteur n'occupaient pas un rôle central dans cette oeuvre. Le trait élégant de Bastien Vivès se marie ici parfaitement à la grâce des ballerines russes. Si la virtuosité du dessinateur prodige de 27 ans paraît innée, l'excellence des danseuses étoiles est le fruit d'une formation spartiate inculquée dès l'enfance. Le professeur Bojinski l'expliquera en ces termes à sa jeune élève Polina: "Si vous ne leur montrez pas la grâce et la légèreté, les gens ne verront que l'effort et la difficulté". Cette phrase, chargée de l'expérience qui fait sa renommée internationale, est l'une des rares que prononcera le professeur. Il est avare en paroles. Impénétrable derrière des lunettes qui dissimulent son regard et une barbe qui cache la bouche d'où l'on voudrait voir jaillir un mot d'approbation, Bojinski impose le respect et la crainte à celles et ceux qui se laissent modeler entre ses mains épaisses. Il est un Pygmalion ou plutôt une variation de Pygmalion. Le personnage mythologique sculpta dans l'ivoire le corps de la belle Galatée à laquelle la déesse Aphrodite donna la vie. Le chorégraphe s'empare ici de corps fragiles et frémissants pour les tailler à sa guise en statues somptueuses. Comme celui de Polina, celle qu'il choisit parmi tant de jeunes prétendantes pour interpréter le ballet qu'il conçoit en dehors du cursus académique. Ce privilège est cependant bien lourd à porter pour la danseuse et de nouvelles opportunités se profilent. Leurs routes se sépareront soudain et les années et la distance feront leur oeuvre. Polina ne semblera pourtant jamais pouvoir échapper à celui qui l'a façonnée. Le désire-t-elle seulement?
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Polina se joue dans les coulisses bien plus que sur la scène, dans les gestes retenus bien plus que dans les élans des danseuses. Ce n'est d'ailleurs pas tant un ouvrage sur la danse qu'un récit consacré à la relation unissant un élève à son mentor. Polina parle, avec justesse et émotion, de la transmission du savoir, du passage à la maturité. Il marque d'ailleurs le passage de Bastien Vivès à une nouvelle dimension de son talent. Superbe! Nicolas.
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Polina de Bastien Vivès, Casterman/KSTR, 14.40€ (au lieu de 18.00€)
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- Notre chronique de Pour l'Empire de Merwan et Vivès.
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