vendredi 18 mars 2011

"Une vie sans Barjot" d'Appollo et Stéphane Oiry

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Un bateau ivre au coeur des ténèbres
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Vous souvenez-vous d'Arthur Même qui, engoncé dans son chapeau melon et sa queue-de-pie trop ample, était contraint de résider sur les murs de la propriété dont il avait été dépossédé? Si la scène ne vous évoque rien, je ne peux que vous conseiller de découvrir Ici Même, ce joyau de l'absurde et de la dérision né de la collaboration entre Jacques Tardi et Jean-Claude Forest en 1978. Mathieu, le personnage central d'Une vie sans Barjot, le dit plus simplement: "C'est génial". Sur la couverture de l'album d'Appollo et Oiry, le jeune homme se prête d'ailleurs au numéro d'équilibriste auquel Arthur Même est soumis par un jugement. Rien ne l'y force pourtant. Pas d'expropriation ou d'avocats ici. Juste une envie d'apesanteur et de liberté. "Ce serait drôle de ne vivre que sur les murs. On verrait le monde de haut. On pourrait aller partout, de jardin en jardin et observer les gens". A 18 ans, le bac en poche, Mathieu préfèrerait en effet ne pas avoir à choisir de vivre d'un côté du mur ou de l'autre. Il préfèrerait ne pas quitter sa ville de province ni ce lourdingue de Barjot pour partir le lendemain sur Paris et suivre sa prépa littéraire. Il préfèrerait rester sur ce mur avec Noémie et traverser avec elle une nuit sans fin, dans cette pénombre qui "change la vision qu'on a des choses familières", qui agit "comme un filtre" sur toutes ces ruelles que Mathieu connaît par coeur mais qui lui apparaissent comme s'il les voyait pour la première fois. Et la dernière peut-être...
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Au-delà de la référence visuelle au Ici Même de Tardi et Forest, Une vie sans Barjot aborde aussi l'absurdité mais une absurdité plus concrète; celle d'avoir à déchausser ses Converse délassées pour enfiler, par la force du système, une queue-de-pie trop large. Servi par une écriture vive et pénétrante et une esthétique qui le rend intemporel, cet ouvrage à la poésie sombre nous donne l'envie, comme L'Homme qui marche de Jirô Taniguchi, d'éviter le confort du chemin le plus court pour s'offrir le luxe d'un détour. Nicolas
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Une vie sans Barjot d'Apollo et Oiry, Futuropolis, 14.40€ (au lieu de 18.00€)
Pauline (et les loups-garous) d'Apollo et Oiry, Futuropolis, 13.50€ (au lieu de 15.00€)
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- Lien vers notre chronique de Pauline (et les loups-garous).
- Lien vers la présentation de Une vie sans Barjot sur le site de Futuropolis.
- Lien vers le blog de Stéphane Oiry.
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